Quand les bancs mettent les voiles


Félix Guyon, ancien visage de La Firme, reconnue notamment pour le design du Quai no4 de la rue Masson à Montréal, décide de lever les voiles ! Il quitte la grande ville pour s’installer à Verchères, son village natal. La municipalité décide de faire appel à ses services afin de réaliser un monument rendant hommage aux familles fondatrices du lieu en 1670. Ce mobilier urbain, inspiré par le vent et l’eau, nous transporte dans une histoire autant collective que personnelle.

 

« Lorsque la municipalité m’a demandé de travailler sur ce projet, j’ai tout de suite été emballé et aussi très inspiré. M’offrir l’opportunité de travailler sur un monument rendant hommage au village de mon enfance et à ses ancêtres, tout en me laissant presque carte blanche, était un rêve et une manière pour moi de dire merci à tous ceux qui ont bâti l’endroit où j’aime vivre aujourd’hui. »

POÉSIE ET STRUCTURE À TOUTE ÉPREUVE

Félix Guyon se démarque par son approche artistique du design. Favorisant une esthétique très léchée, contrastant les époques, les styles et les matériaux, il cherche à créer des pièces uniques plutôt qu’industrialisées. Grâce aux matériaux nobles qu’il utilise jusqu’aux artisans locaux avec lesquels il travaille, il s’assure ainsi de promouvoir le savoir-faire québécois et de le propulser ici comme ailleurs.

C’est justement cette approche qui a attiré l’attention de l’équipe de la municipalité de Verchères, un petit village à 30 minutes de Montréal sur les rives du Saint-Laurent. « Lorsque Martin Massicotte, l’urbaniste de la ville, m’a parlé de son idée, je me suis tout de suite mis dans la peau des habitants du XVIIe siècle; une époque sans routes dont le seul moyen de locomotion était le bateau, l’eau et le vent. L’idée se présentait presque d’elle-même. »

Le concept est simple : créer une œuvre hors du commun où les usagers peuvent s’asseoir confortablement et contempler, au son du vent et des vagues, le fleuve qui les a jadis amenés à s’installer là, aux abords du Saint-Laurent. Le designer souhaitait réaliser un monument commémoratif tout en intégrant la fonction de mobilier urbain. Il a ainsi imaginé ces majestueuses voiles de chêne blanc, de béton et de métal, qui font écho à ce chapitre de l’histoire et qui seront installées à l’endroit où seyait en 1670 le fort de Verchères. Le chêne blanc a été choisi par le designer puisque ce même bois était utilisé au XVIIe siècle pour la construction des voiliers et barils.

Cette zone du Saint-Laurent est spécialement sujette à une météo très changeante et parfois violente. Les vents peuvent atteindre 90km/h du nord comme de l’ouest. La brume, l’humidité, le verglas et la neige peuvent aussi être très abondants vu la proximité du fleuve. De plus, pour des raisons esthétiques et ergonomiques, l’œuvre devait être inclinée à 10 degrés pour donner l’impression aux voiles de gîter et aux usagers d’être confortable. La fabrication et les fondations ont dû être soigneusement pensées pour résister à toute éventualité, considérant le poids (plus de 900lbs) et la forme des voiles. « Après plusieurs mois de discussions entre l’ingénieur, Soudures Richer pour le métal, Chaloupe Verchères pour le bois, l’équipe de la municipalité et moi-même, nous en sommes venus à ce résultat final qui allie poésie et structure à toute épreuve ! »

UNE FIERTÉ COLLECTIVE

Ce qui était le plus important dans ce projet était de travailler uniquement avec les gens du village. L’œuvre devait être collective et la fierté en découlant devait provenir des habitants du village. Comme à l’époque, les artisans locaux se sont unis pour construire un monument qui rendra fier les générations futures.

UNE CRÉATION ET UNE MÉTHODOLOGIE ORGANIQUE

Pour Félix Guyon, la réalisation d’un projet se fait comme celle d’un chef d’orchestre dirigeant les musiciens dans leurs spécialisations. Pour lui, la création est un ballet entre la forme, les matériaux, les techniques de fabrication, les défis structurels ainsi que les coûts de fabrication. Tout ceci doit être soigneusement réfléchi et validé à chaque coup de crayon. Puis on ajoute une touche de merveilleux et de poésie et le défi est relevé. « Je peux passer des jours et des nuits à travailler pour atteindre cet équilibre. Dans ces moments, mon cerveau fonctionne à plein régime et mes semaines passent comme des heures ! Je navigue aux feelings entre les contraintes techniques et économiques, avec comme boussole mes instincts artistiques. »

UN RETOUR AUX RACINES

Suite à ses études en France, après avoir travaillé en architecture à Londres et ayant accumulé plusieurs années d’expérience en design à Montréal à la tête de sa première compagnie La Firme, Félix Guyon décide de revenir à Verchères, son petit village natal. Il cherche maintenant la quiétude et l’inspiration à travers ces gens qui y vivent et qui sont comme lui, amoureux de leur village. «J’ai longtemps cherché l’essence de moi-même très loin dans mes voyages, mais je ne réalisais pas qu’elle était ici, sous mon nez, dans mon village. Le fleuve, les saisons, les gens. Tout a tellement plus de sens maintenant ! ».

Ce n’est pas non plus le fruit du hasard si Félix Guyon a nommé son entreprise Les Ateliers Guyon. Il s’agit du nom d’origine de la compagnie de design fondée dans les années 1970 par sa famille, que le jeune designer souhaite maintenant amener sur de nouveaux chemins. « Mon grand-père était ébéniste et fabriquait des « chaloupes Verchères » dans les années 1940. Mon père et ma mère sculptent encore aujourd’hui le plexiglas. De génération en génération, nous nous transmettons l’amour du travail de la matière. À mon tour, avec des projets comme celui-ci, j’espère réussir un jour à transmettre à mon fils, à peine âgé de 11 mois, cette même passion du travail bien fait! »

Photographe : Félix Guyon

Pour plus d’informations

lesateliers-guyon.com/

source : V2COM

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